La balle pelote : un sport collectif au cœur du patrimoine belge

La balle pelote est un sport collectif traditionnel qui oppose deux équipes de cinq joueurs sur un terrain spécifique appelé ballodrome. Très ancré dans la culture sportive belge, ce jeu est particulièrement populaire dans les provinces du Brabant wallon, du Hainaut, de Namur, ainsi que dans l’ouest de la Flandre. Il connaît également une certaine pratique en France, notamment dans la vallée de la Sambre et dans le Valenciennois, où il a longtemps constitué une activité emblématique des villages ouvriers et agricoles.

Ce sport, aussi spectaculaire que technique, se pratique à l’extérieur, généralement sur une grande place publique ou un espace dégagé aménagé pour l’occasion. Le ballodrome mesure environ 60 à 70 mètres de long pour 15 à 20 mètres de large, avec des limites précises appelées cordes qui marquent les zones de jeu et les zones de faute. Chaque équipe tente de renvoyer la balle dans le camp adverse en évitant que celle-ci ne touche le sol dans sa propre moitié de terrain. Le jeu repose sur une alternance rapide entre défense et attaque, demandant précision, puissance, coordination et stratégie.

La balle utilisée, appelée simplement “pelote”, est en cuir et particulièrement dense. Les joueurs, souvent armés d’un gant renforcé en cuir ou d’un poing gainé, frappent la balle à la main pour l’envoyer dans le camp adverse. Certains joueurs, appelés fonciers, sont spécialisés dans les frappes longues et puissantes, tandis que d'autres, les mittriers, excellent dans le jeu court, la précision et le contrôle tactique du jeu.

La balle pelote n’est pas qu’un simple sport : c’est un élément fort du patrimoine immatériel de la Wallonie. Elle rassemble les villages, entretient les liens intergénérationnels et perpétue un art de vivre collectif autour des valeurs de solidarité, de fierté locale et de convivialité. Les matchs sont souvent accompagnés de festivités, de ducasses, et attirent un public fidèle et passionné. À certaines époques, des centaines de spectateurs se massaient autour du terrain pour encourager leurs joueurs, dans une ambiance à la fois festive et compétitive.

Le jeu connaît ses origines au Moyen Âge, et il a évolué au fil des siècles en prenant différentes formes régionales. Bien que la pratique ait diminué avec l’urbanisation et l’évolution des loisirs, de nombreuses sociétés de balle pelote continuent aujourd’hui d’organiser des championnats locaux et régionaux, parfois même intergénérationnels, perpétuant cette tradition.

Des figures légendaires comme Maurice Loiselet, Adrien Nève, Gustave Horlait ou encore Albert Deltenre ont marqué l’histoire de ce sport en Belgique, notamment à travers des exploits qui résonnent encore dans la mémoire des anciens et dans les récits locaux.

Ainsi, la balle pelote demeure bien plus qu’un sport : c’est un véritable vecteur de mémoire collective, une tradition vivante qui illustre la richesse du folklore sportif wallon et qui mérite d’être soutenue, transmise et célébrée.

Championnat Maurice de Sirault

Maurice Loiselet, dit "Maurice de Sirault" : Une légende du jeu de balle
Le championnat de balle pelote créé en 1950 à Sirault rend hommage à une figure locale devenue légendaire : Maurice Loiselet, plus connu sous le surnom affectueux de “Maurice de Sirault” ou encore “Maurice du boucher”.

Né à Sirault le 10 juin 1875, Maurice était marié à Marie Euphémie Antoinette Canivez. Il quitta un jour son village natal pour s’installer à Chièvres, où il reprit l’exploitation de la ferme de la Ladrie. Mais avant d’être agriculteur, il fut avant tout un immense joueur de balle pelote, passionné dès son plus jeune âge.

Déjà prometteur à Sirault, Maurice ne put, faute de coéquipiers à son niveau, exprimer tout son talent localement. Il débuta sa carrière en 1892 avec l’équipe de Bouvignies, et se fit très vite remarquer : il totalisa 28 balles "outres" dans des matchs d’envergure à Braine-le-Comte, Alost et Tollembeek.

En 1893, il fut recruté par Gustave Horlait, secrétaire communal de Cambron-Saint-Vincent, pour former un redoutable trio avec Simon et Omer de Tollembeek. Ensemble, ils animèrent les fameuses luttes entre Cambron et Rebaix, marquées par une intensité sportive rare.

Entre 1894 et 1897, Maurice joua pour Laeken, aux côtés de grands noms tels que Clément de Gratry, Clovis Godart et Alfred Chevalier de Neufmaison. Il y connut l’un de ses plus beaux succès : la victoire au grand concours de Laeken, remportée avec une montre en or, après une finale disputée contre Alost.

Il retourna ensuite à Cambron, où il retrouva Horlait, désormais entouré de Camille Lécrivain et Vansy. En 1904, sur la place de Quaregnon, lors d’un match entre Laeken et Cuesmes, Maurice réalisa un coup d’éclat en envoyant une balle en plein fond sur le toit de l’église, à même la corde des outres. À Cuesmes, face à Nivelles, il renvoya une balle de la mouche jusque dans la façade d’une maison située de l’autre côté de la route, à près de quinze mètres au-dessus des limites de jeu. Des gestes qui restent dans les mémoires.

Sa carrière se poursuivit brillamment à Grammont en 1911, puis à Quaregnon en 1912, aux côtés de figures telles qu’Auguste Lemaire, Milfort, Demart et Van Manterghem.

La Première Guerre mondiale mit brutalement fin à cette trajectoire sportive d’exception.

En 1919, à 44 ans, alors qu’il ne jouait plus, il fut sollicité par de jeunes joueurs pour participer à un tournoi sur trois journées. Contre toute attente, il réussit l’exploit de chasser 36 balles outres, confirmant qu’il n’avait rien perdu de sa classe.

Au crépuscule de sa vie, Maurice revint s’installer à Sirault, au hameau du Moulin à Papier, dans une petite propriété connue sous le nom de la ferme du Marc. C’est là qu’il vécut ses derniers jours.

En 1950, la société locale “Tout” décida d’honorer sa mémoire en organisant un grand championnat de balle pelote en son nom. La commune avait même prévu de le célébrer en grande pompe : une voiture découverte devait le conduire sur la place, sous les applaudissements, pour qu’il ait l’honneur de lancer la première balle.

Mais le destin en décida autrement. Quelques jours avant la ducasse, inquiet de son absence, un camarade se rendit à la ferme du Marc. Ne recevant pas de réponse, il entra… et découvrit Maurice Loiselet sans vie dans son lit. Il s’était éteint seul, dans le silence de sa ferme, sans avoir pu devenir “Maurice de Sirault” de son vivant.

Aujourd’hui, son nom reste gravé dans les souvenirs des passionnés, aux côtés de celui de son grand ami Adrien Nève, surnommé "Poëlon", lui aussi joueur de balle exceptionnel.

Le championnat Maurice de Sirault n’est pas seulement un hommage sportif : c’est un rappel vibrant de l’héritage d’un homme simple, passionné et profondément attaché à son village et à son sport.

Courrier de l'Escaut du 23 mai 1894

Le jeu de balle, qui devait avoir lieu dimanche dernier et qui a été forcément remis à cause du mauvais temps, a eu lieu dimanche. Malgré le froid, notre esplanade avait un air de fête, beaucoup de spectateurs étaient venus pour applaudir les parties de Rebaix et de Sirault, ils n'ont pas été trompés dans leur attente, car la lutte a été des plus vive.
Rebaix, cependant, était plus fort, son "grand milieu" Ferdinand Goisse, a fait de fort beaux coups, Sirault, de son côté, semblait avoir la guigne, quoiqu'il ait bien joué également. Renaix est sorti victorieux de cette lutte aux applaudissements de la foule.
A propos de jeu de balle, deux concours seront organisés entre 16 parties, l'un à partir de dimanche et l'autre vers la kermesse. Déjà le succès de ces concours est assuré, car les plus fortes parties de pelote s'y sont fait inscrire.

Championnat de Belgique en 1938

Sirault vers 1992

Barez Jean-Luc et le bourgmestre Fredy Deghilage